Le régime méditerranéen
Bien que souvent riches en matière grasse, les cuisines des pays bordant la Méditerranée ont en commun de recourir largement aux légumes, fruits, herbes, ail et oignons, poisson et produit laitiers, ainsi qu’une utilisation modérée des viandes rouges. Le tout est cuisiné dans de bonnes quantités d’huile d’olive. Les vertus nutritionnelles communes de ces cuisines, résumées sous le label de ‘régime méditerranéen’, ont été mises en évidence dans les années 1950, et largement confirmées depuis.
Un régime ancestral remis au goût du jour
Bien que les cuisines traditionnelles présentes dans les pays du bassin méditerranéen soient très variées, elles se distinguent par leur richesse en légumes, légumineuses, herbes, ail et oignons, fruits, ainsi que par l’utilisation importante d’huile d’olive, mais aussi par leur recours modéré aux protéines animales, souvent provenant du poisson et plus rarement de la viande. La découverte des vertus d’un régime alimentaire méditerranéen, une sorte de point commun entre les différentes cuisines régionales, est attribuée au physiologiste américain Ancel Keys. Résidant dans le sud de l’Italie, il remarqua que, malgré un apport alimentaire élevé en matière grasse et un système de santé relativement rudimentaire, les populations pauvres de la région étaient contre toutes attentes en bien meilleure santé et avaient une espérance de vie plus longue que leurs équivalents italiens immigrés à New York City. Il émit l’hypothèse que le régime alimentaire de la population méditerranéenne pouvait être un des facteurs d’explication. Cette intuition fut confirmée par les résultats d’une fameuse étude réalisée dans sept pays (Finlande, Pays-Bas, États-Unis, Italie, Grèce, Japon, ex-Yougoslavie). L’étude montrait que les populations du bassin méditerranéen, notamment en Crète, avaient des taux de cholestérol sanguin bas associés à une faible prévalence de maladie coronarienne. Initialement présenté comme le régime crétois, la diète méditerranéenne connaît depuis les années 1980 un succès international et s’est vue classée en 2010 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
Des atouts nutritionnels avérés
Le régime méditerranéen combine une vie active au quotidien à une grande variété d’aliments. Il se caractérise par une consommation abondante de produits céréaliers (pâtes, pain), de fruits et de légumes (tomates, courgettes), une consommation quotidienne de légumineuses, de noix et de graines. Les protéines animales proviennent principalement de la consommation de produits laitiers (fromages, yaourt) et de poisson, plus rarement de volaille ou d’œufs, et seulement épisodiquement de viande rouge (bœuf, veau, porc).
L’utilisation de l’huile d’olive comme matière grasse, parfois en abondance, est particulièrement notable et a été mise en avant comme l’un des facteurs déterminants, bien que non suffisant, et protecteurs de la santé cardio-vasculaire. L’huile d’olive présente l’avantage d’être riche en acides gras mono-insaturés, notamment en acide oléique, qui tendent à réduire dans le sang la teneur en cholestérol et en LDL (Low Density Lipoprotein) – une protéine servant au transport du cholestérol et souvent appelée à tort le ‘mauvais cholestérol’. En outre, l’huile d’olive contient une quantité notable d’oléocanthal, un antioxydant et anti-inflammatoire proche de l’ibuprofène, dont l’absorption régulière jouerait un rôle important dans la réduction des risque de maladies cardiovasculaires. C’est en remarquant que la sensation d’irritation provoquée par la consommation d’huile d’olive extra vierge était proche de celle évoquée par l’ibuprofène, que Paul Breslin, Gary Beauchamp et leurs collègues décident d’étudier les propriétés anti-inflammatoires de l’huile d’olive et découvrent l’oléocanthal en 2005. Il est cependant important de noter que les effets bénéfiques du régime ne reposent pas sur la seule consommation d’huile d’olive, mais bien sur la combinaison de tous ses éléments. Il ne suffit donc pas d’arroser d’huile d’olive un repas déséquilibré pour en compenser les effets néfastes à long terme.
Le régime méditéranéen correspond bien aux recommandations faites par les organismes internationaux, comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Dans son classement annuels, US News and World Report le classe parmi les trois meilleurs régimes, à côté des régimes DASH (acronyme de Dietary Approaches to Stop Hypertension) et MIND (acronyme de Mediterranean-DASH Intervention for Neurodegenerative Delay), qui ne sont que des adaptations du régime méditéranéen, en réalité.
Le régime du non-choix
Bien que l’histoire de l’avantage nutritionnel du régime méditerranéen commence en Crète, il est intéressant de noter que, parmi l’échantillon de l’enquête du professeur Ancel Keys, seul un Crétois sur six se disait satisfait de son régime, 72% souhaitant manger davantage de viande, et certains se plaignant même d’avoir continuellement faim. « Ainsi, le mode d’alimentation des Crétois des années 1950, vanté pour sa sobriété, était donc davantage le résultat d’une indigence subie, d’une frugalité de nécessité, plutôt que d’un choix délibéré » (Coavoux, 2015).
Livre
KEYS A, ARAVANIS C, Blackburn H, Buzina R, Djordjević BS, Dontas AS, Fidanza F, Karvonen MJ, Kimura N, Menotti A, Mohacek I, Nedeljković S, Puddu V, Punsar S, Taylor HL, Van Buchem FSP, 1980, Seven Countries. A multivariate analysis of death and coronary heart disease. Cambridge, MA; Harvard University Press, ISBN: 0-674-80237-3, 1980. 381 pp.
(http://www.sevencountriesstudy.com/study-findings/publications/)
Articles
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(https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3684452/)
BATLA Paul, 2007, Le régime crétois, Confluences Méditerranée, 1/2007 (N°60), p. 177-184.DOI : 10.3917/come.060.0177
(http://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2007-1-page-177.htm)
ESTRUCH, Ramón, ROS, Emilio, SALAS-SALVADÓ, Jordi, et al., 2014, Primary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet. New England Journal of Medicine, 2013, vol. 368, no 14, p. 1279-1290. DOI: 10.1056/NEJMoa1200303
(http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1200303)
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(http://www.nature.com/nature/journal/v437/n7055/full/437045a.html)
COAVOUX, Sophie, 2015, Le mythe du régime crétois. Transtext (e) s Transcultures. Journal of Global Cultural Studies, 2015, no 10. DOI : 10.4000/transtexts.604