Les rations militaires
L’approvisionnement des troupes en nourriture a souvent déterminé l’issue des guerres. Jusqu’à l’invention de l’appertisation au 19e siècle, le pain et la viande salée étaient la base de l’alimentation du soldat de front. La marine privilégiait la bière, le vin et le rhum, plus faciles à conserver que l’eau. La boîte de conserve intègre ensuite le paquetage du soldat dès la Première Guerre mondiale, puis elle est remplacée par un repas complet en sachet hermétique dès les années 1980.
‘Du pain pour les soldats’ : brève histoire de la ration de combat
« Une armée marche à son estomac », disait Napoléon. En effet, au fil de l’histoire, le ravitaillement des troupes en nourriture a souvent déterminé l’issue des batailles. Avant l’invention de l’appertisation puis de la boîte de conserve au 19e siècle, le pain et la viande séchée et salée étaient la base des rations militaires.
La Rome antique possédait la première armée professionnelle d’Occident. Chacun de ses soldats recevait une ration de deux livres de pain par jour, de la viande, de l’huile d’olive et du vin. Sous l’Empire byzantin, les fantassins étaient entraînés à porter sur soi des rations pouvant durer jusqu’à vingt jours. De plus, un petit moulin manuel faisait partie de leur équipement de base : il servait à moudre le grain pour confectionner le paximadion, un pain dur et sec qui se conservait longtemps. L’armée réquisitionnait souvent les matières premières auprès des populations locales lors des campagnes militaires. Parfois, les soldats usaient même de leur solde pour acheter de la nourriture afin de compléter ou varier leur régime alimentaire.
Les conditions étaient encore plus difficiles pour l’armée de mer. Durant les Guerres napoléoniennes, la marine britannique, par exemple, utilisait le système de rationnement ‘quatre pour six’ : quatre portions pour six hommes. L’aliment de base était aussi le pain, sous forme d’un biscuit dur et sec à base de farine de petits pois et d’os pilés. La viande salée était si dure que les matelots préféraient la sculpter pour faire passer le temps. L’eau, denrée rare et périssable, était remplacée par des boissons alcoolisées, plus salubres et faciles à conserver : d’abord la bière, puis le vin quand celle-ci venait à manquer, et, enfin, le rhum.
L’invention de la boîte en fer-blanc par Peter Durand en 1810 a révolutionné la ration militaire. Durant la Première Guerre mondiale, les iron rations (rations de fer) étaient utilisées à grande échelle. Pour la première fois, les soldats avaient quelques légumes garantis dans leur gamelle. Les bataillons britanniques, par exemple, disposaient de deux cuves de taille industrielle pour y cuire les repas, mais ces derniers parvenaient rarement jusqu’aux soldats en première ligne. Ceux-ci devaient se contenter du maconochie, soupe de navets et carottes, qu’ils réchauffaient à même la boîte.
Durant l’entre-deux-guerres, l’armée américaine a développé trois types de rations nourrissantes et légères à porter. La ration-C a été utilisée de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la guerre du Viêt Nam. Elle offrait trois repas sous forme de conserve : du bœuf avec des pommes de terre, du riz ou des nouilles, accompagné de trois biscuits, de caramel, de quelques cubes de sucre, d’’un paquet de café soluble et un ouvre-boîte. La ration-D était une ration de secours sous forme de barre de chocolat. Elle a été élaborée pour être légère et nourrissante, sans être trop appétissante pour que les soldats ne la consomment qu’en cas de besoin. La ration-K était une variante plus petite et légère que la ration-C, destinée aux troupes en première ligne de combat, comme lors du débarquement en Normandie.
Dès les années 1980, l’armée américaine a abandonné les boîtes de conserve au profit de sachets hermétiques de repas prêts à manger, appelés ‘MRE’ (Meals, Ready to Eat). Le ‘menus’ sont désormais diversifiés avec près de 24 plats différents, comprenant des variantes végétariennes, kasher et halal.
"Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es"
Les surnoms alimentaires donnés aux soldats ont ponctué l’histoire. Dans la Rome antique, les légionnaires étaient surnommés bucellarii, d’après le pain bucellatum qui était la base de leur alimentation. Et les matelots britanniques ont écopé, au 19e siècle, du limey (citronné) quand l’agrume a intégré leur alimentation pour combattre le scorbut.
FLANDRIN, Jean-Louis et MONTANARI, Massimo, 1995. Histoire de l'alimentation. Paris : Fayard.
HALDON, John, 1999. Warfare, State and Society in the Byzantine World 560-1204. New York : Routledge. 978-1-857-28494-2.
MASEFIELD, John, 1905. Sea Life in Nelson's Time. London : Methuen.
War Culture - Trench Food, 2012. October, Londres : s.n., Military History Monthly.