Le cueilleur sauvage
Polyvalente, la graine d’acacia est un aliment du bush australien apprécié pour son goût de noisette, sa densité nutritive et sa résistance à la sécheresse.
Dans la famille Jones, oubliez Indiana : le véritable aventurier des acacias perdus s’appelle Angus ! ©Angus Jones
Après une spectaculaire floraison dorée au printemps, les acacias produisent des gousses de graines très prisées. Cette ancienne nourriture du bush possède à la fois un goût et un profil nutritionnel remarquables. Elle contient 20% de protéines, plus de 50% de fibres et du calcium, du fer et du magnésium, entre autres vitamines et minéraux1.
En Australie-Méridionale, le cueilleur sauvage Angus Jones se fait le champion de cette industrie naissante en fournissant des semences de haute qualité à usage culinaire, qu’il vend localement et à l’étranger. « Beaucoup de gens commencent à réaliser qu’il s’agit d’une source alimentaire durable. C’est quelque chose de différent, quelque chose d’ancestral, et quelque chose que nous pouvons incorporer de plus en plus dans notre alimentation moderne. Et plus nous le faisons, mieux c’est : les bénéfices sont exponentiels ! »
La vie d’un cueilleur
Mais la récolte de la graine n’est pas chose facile, c’est une opération ultrasaisonnière et précisément délimitée dans le temps. Contrairement aux cultures européennes traditionnelles qui offrent un certain nombre de mois pour la récolte, le créneau disponible pour les graines d’acacia peut n’être que de quelques jours par an. Angus tire la plus grande partie de ses graines de l’Acacia Victoriae, une espèce qui lui donne environ quatre semaines pour récolter sa production annuelle.
Les conditions météorologiques ont un impact énorme sur la croissance, la floraison et l’ensemencement des plantes, en particulier dans les déserts arides et imprévisibles de l’Australie. Cela signifie qu’Angus est en veille météorologique continue afin de déterminer le stade de développement des graines. « Je suis toujours en train de vérifier le Bureau of Meteorology [centre météorologique], à la recherche des endroits où il a plu et à l'affût des floraisons. »
Les vents chauds du nord du désert d’Australie centrale assèchent bien vite les gousses après leur mûrissement. Angus doit rapidement mobiliser une équipe pour se rendre sur les lieux de récolte éloignés avant que les gousses ne tombent au sol. « Ce n’est pas un travail facile et ce n’est pas fait pour tout le monde. Nous récoltons dans le désert, en été, où les températures atteignent souvent 45°C. La poussière d’acacia peut irriter la peau, et les acacias abritent de nombreuses fourmis et araignées dont il faut s’attendre à ce qu’elles vous tombent dessus ! »
Des perches en aluminium sont utilisées pour faire tomber les gousses des arbres dans des bâches en PVC spécialement conçues à cet effet, gousses qui sont ensuite traitées mécaniquement sur place pour réduire le risque de contamination. Une batteuse ouvre les cosses avant que la graine ne soit nettoyée et calibrée sur une table vibrante. Les gousses, les tiges et les feuilles restantes sont transformées en paillis riche en azote qu’Angus utilise sur son verger d’acacias, dans les collines d’Adélaïde.
Angus récolte environ une demi-tonne par an sur des terres privées. Il fournit un service très apprécié des propriétaires fonciers, en contrôlant la propagation de cette espèce à la croissance rapide.
Usages culinaires des graines d'acacia
Tout comme les grains de café, les graines d'acacia subissent un processus de torréfaction et de mouture. La torréfaction ouvre les cosses dures, à l’image d’un feu de brousse favorisant la germination. Elle modifie également le goût, passant d’une saveur légèrement semblable à celle du pois à des tonalités plus riches, plus foncées et plus chocolatées.
La poudre de graines d’acacia est le plus souvent utilisée pour la pâtisserie, ajoutant une délicieuse saveur et une couleur terreuses aux pains, biscuits, pancakes, scones et gâteaux. Les chefs cuisiniers d’aujourd'hui ne peuvent cependant pas s’attribuer le mérite de cette idée, car les aborigènes australiens utilisent des graines d’acacia pour fabriquer des galettes à forte densité énergétique depuis des dizaines de milliers d’années.
Concassée, la graine peut être utilisée dans les aliments crus. Il s’agit d’un excellent complément riche en fibres pour les smoothies ou pour saupoudrer les céréales du petit déjeuner ou les salades. Les infusions sont également populaires et de nombreux chefs australiens expérimentent avec leurs propres sauces et assaisonnements.
De son côté, Angus ne peut pas se passer d'un café à base de graines d'acacia fraîchement infusées. « Je mouds la graine à la manière d'un expresso, je la fais infuser pendant une minute ou deux, je filtre et je consomme la boisson seule ou avec un peu de miel. Chaude ou froide, avec ou sans lait, c’est un extraordinaire substitut du café. »
Une espèce résistante à la sécheresse pour la sécurité alimentaire
Comme les acacias ont évolué dans le rude Outback australien, ils prospèrent dans des climats où la plupart des céréales et des légumineuses rencontrent des difficultés. Au cours de la dernière décennie, de vastes essais menés dans les zones arides tropicales d’Afrique de l’Ouest ont conduit à l’intégration des acacias dans les systèmes agricoles locaux2. Les graines mûrissent pendant une période de faible demande de main-d’œuvre et peuvent rapporter jusqu’à cinq fois les bénéfices des autres cultures par rapport aux surfaces arables occupées. Autre gain d’importance pour les agriculteurs, les graines peuvent être conservées pendant dix ans sans perdre en qualité.
Des fonds sont également affectés à la recherche et au développement en Australie où, selon Angus Jones, le plus grand défi consiste à répondre à la demande. « La graine d’acacia est en train de passer d’une industrie artisanale à une échelle commerciale. Elle a des défis à relever, mais elle recèle un énorme potentiel agricole et constitue une excellente alternative pour les propriétaires terriens à la recherche de cultures à faible impact. »