Pourquoi les enfants n’aimeraient-ils pas les légumes?
Les enfants n'aiment pas les légumes et ils en mangent rarement la quantité recommandée. De récentes recherches montrent que cette aversion est surmontable.
Des études montrent que les préférences alimentaires des enfants se dessinent dès l’âge de deux à trois ans. À huit ans, les enfants aiment en général ce qu’ils aimaient déjà entre l’âge de deux et trois ans. Quels sont les facteurs qui déterminent le choix des aliments chez les enfants âgés de deux à trois ans?
Expériences prénatales
Deux facteurs ont une influence sur les préférences alimentaires : d’une part, des dispositions génétiques qui font qu’on aime un certain goût et pas un autre, d’autre part, une sensibilité héritée des parents pour certains goûts et parfums. Des réactions acquises ne sont pas strictement définies et peuvent être modifiées par l’expérience. Les sens du goût et de l’odorat se développent très tôt chez le fœtus humain puisque l’on observe des papilles gustatives dès la 15e semaine et des neurones olfactifs matures dès la 25e semaine de grossesse. Des observations chez des prématurés (nés et testés à la 29e semaine de grossesse) ont montré que ceux-ci réagissent positivement à certains arômes (par ex. la vanille) et négativement à d’autres (par ex. l’acide butyrique), alors que les bébés nés à terme répondent positivement, juste après la naissance, à des arômes auxquels ils avaient été en contact avant la naissance. Ils se lèchent les lèvres quand on leur offre une solution sucrée, les pincent quand la solution est acide et la recrachent quand elle est amère. Mais un contact prénatal avec certains arômes peut aussi influencer le choix des aliments dans la petite enfance. Des nouveaux-nés dont la mère a consommé du jus de carottes pendant les dernières semaines de sa grossesse réagissent avec plus d’enthousiasme à des céréales au goût de carottes qu’aux céréales sans arôme. Ces premiers résultats sont fascinants mais ne prouvent pas que les expériences sensorielles prénatales aient une réelle influence sur les préférences alimentaires de l’enfance.
Premières expériences après la naissance
Les saveurs avec lesquelles les enfants entrent en contact lors de la première alimentation lactée semblent avoir un impact durable sur les préférences alimentaires. Une étude sur les formules de substitut du lait maternel contenant des protéines hydrolysées livre un indice important. Ce substitut de lait pour enfant victimes d’allergies graves aux protéines du lait a un goût bien particulier, acide, amer, un goût de «brûlé». Des nouveau-nés qui ont reçu pour la première fois ce substitut de lait à l’âge de deux ou trois mois l’acceptent encore à sept mois. Mais ceux qui le reçoivent pour la première fois à l’âge de six ou sept mois le refusent catégoriquement. Les enfants ayant reçu très tôt et pendant plusieurs mois des laits infantiles hydrolysés acceptent plus facilement des boissons au goût amer à l’âge de quatre ou cinq ans. Un contact précoce avec les saveurs «acides» ou «amères» paraît donc influencer les préférences sur plusieurs années, voire jusqu’à l’âge adulte.
Influence des expériences au cours de la phase d’introduction de la nourriture solide
Les expériences effectuées au cours de la phase d’introduction de la nourriture solide peuvent influencer les préférences ultérieures. Si on propose le même légume pendant plusieurs jours, cela peut conduire à une augmentation substantielle de la consommation de légumes. Ceci suggère que le simple contact avec un nouvel aliment augmente son acceptation. Ces préférences ne semblent pas pouvoir être transférées à d’autres aliments au goût similaire. Ainsi, un régime alimentaire avec de la nourriture pour bébé sucrée ou non pendant les trois premiers mois de la phase d’introduction de la nourriture solide n’a pas d’influence sur l’acceptation de fruits sucrés. Les bébés apprennent apparemment le goût d’un «aliment en particulier» et non à « aimer tous les aliments sucrés».
Il y a quelques années, il a été démontré que le contact avec différentes purées de légumes au début de la phase d’introduction de la nourriture solide augmente l’acceptation de nouveaux aliments – au moins pendant les deux ou trois jours suivants. Dans une étude, on a par exemple étudié les effets de trois degrés différents de mélanges de légumes (aucun, faible ou marqué) lors de la phase d’introduction de la nourriture solide chez des enfants ayant reçu du lait maternel ou un substitut de lait. L’étude a été menée dans deux régions européennes (Dijon/France et Aalen/Allemagne). L’allaitement maternel et une alimentation variée à un stade précoce de la phase d’introduction de la nourriture solide ont augmenté l’acceptation de tous les nouveaux légumes ainsi que de la viande et du poisson pour au moins deux mois.
Les enfants peuvent-ils apprendre à aimer les légumes?
Dans une autre étude, on a examiné si les bébés pouvaient apprendre, par un contact répété, à accepter un aliment détesté au début. Les mères devaient indiquer, pendant les premiers mois de la phase d’introduction de la nourriture solide, quelles purées de légumes leur bébé avait particulièrement aimées ou rejetait au point qu’elles ne leur en proposaient plus. Les mères ont ensuite été invitées à donner pendant 16 jours à leur bébé le légume rejeté au début, en l’alternant un jour sur deux avec le légume préféré. Elles notaient la quantité journalière consommée, en évaluant à quel point leur bébé appréciait chaque légume, et elles devaient remplir neuf mois plus tard un journal alimentaire avec des questions sur le test des légumes.
La consommation quotidienne et les taux d’appréciation des légumes pour chacun des 16 jours sont présentées dans la figure 2. Pendant les huit premiers jours où le légume rejeté au début a été proposé, sa consommation a augmenté de façon linéaire en moyenne de 17 g / jour, alors que celle du légume préféré au début n'a augmenté que de 2,8 g / jour. Au cours des sept premiers contacts, les bébés mangeaient beaucoup moins du légume rejeté au début que du légume préféré. Lors du huitième contact, la consommation des deux légumes était presque identique (fig. 2). Les taux d’acceptation évoluent de façon similaire.
Au bout de neuf mois, 83% des bébés aimaient les carottes (légume préféré au début), 17% «en mangeaient, mais sans les apprécier particulièrement». Pour 15% des bébés, le légume rejeté au début n’était plus proposé, 63% en mangeaient et l’aimaient d’après l’estimation de leur mère, 12% en mangeaient sans l’apprécier particulièrement et seulement 10% ne l’aimaient pas ou le rejetaient. Ainsi, non seulement les nourrissons acceptaient après des contacts répétés le légume rejeté au début, mais cette évolution de l’acceptation persistait pour la majorité des nourrissons presque jusqu’à l’âge de deux ans.
Conclusion
De nombreux sondages confirment que les bébés rejettent les légumes et que les enfants n’en sont pas friands. Les résultats de l’étude présentée ci-dessus suggèrent plusieurs solutions à ce problème. Tout d’abord, une offre diversifiée de légumes au début de la phase d’introduction de la nourriture solide peut augmenter l’acceptation de nouveaux aliments pour au moins deux mois et peut-être plus. Cet effet est plus prononcé chez les enfants allaités. Ensuite, il est utile de proposer jusqu’à huit fois de suite un légume rejeté au début car alors, 70% des bébés non seulement en mangent, mais finissent par l’aimer pendant plusieurs mois, voire pendant toute leur enfance.