Agriculture intensive
Face aux besoins alimentaires croissants dans le monde, l’agriculture intègre progressivement des méthodes industrielles afin d’augmenter la productivité. Elle vise alors à accroître les rendements par unité de travailleur et à l'hectare. Pour ce faire, elle améliore la performance des sols, des végétaux et des animaux par divers moyens issus d’innovations technologiques et scientifiques : produits phytosanitaires, sélection variétale ou encore ingénierie génétique.
Rentable et productive, mais cause d’impacts environnementaux, sociaux et sanitaires
Au début du 20e siècle dans les pays occidentaux, l’agriculture est essentiellement représentée par des petites et moyennes exploitations pratiquant la polyculture au moyen de la traction animale. Dans la seconde partie du 20e siècle, ce type d’agriculture est progressivement remplacé par de grandes productions marchandes spécialisées, qui utilisent des machines agricoles puissantes ainsi que des engrais et des pesticides de synthèse sur d’immenses surfaces cultivées. Ce changement de système découle d’une volonté politique aspirant à augmenter la productivité agricole pour répondre aux besoins alimentaires croissants dans le monde. Après la Deuxième Guerre mondiale, la plupart des pays industrialisés adoptent des politiques favorisant l’intensification de l’agriculture mettant à profit les progrès technologiques et scientifiques dans l’industrie mécanique et chimique ainsi qu’en génétique. Ces politiques consistent à encourager l’écoulement des produits, à assurer des prix avantageux et relativement stables ainsi qu’à favoriser l’acquisition de nouveaux moyens de production (systèmes de crédits à bas taux d’intérêt, subventionnements) tout en poussant les exploitations non rentables à terminer leurs activités. Après le remplacement progressif des animaux de trait par des tracteurs à moteur dans l’entre-deux-guerres, les machines deviennent toujours plus puissantes et perfectionnées (auto-chargeuse, épandeur d'engrais, herse rotative) dès les années 1950. Ces innovations diminuent la pénibilité du travail des agriculteurs et favorisent les cultures à grande échelle avec une main-d’œuvre restreinte. Par ailleurs, les croisements et la sélection variétale, déjà à l’œuvre depuis des siècles, s’intensifie et se rationalise grâce à l’utilisation des outils de l’ingénierie génétique. Sont créées de nouvelles variétés aux performances améliorées, plus résistantes, s’adaptant à différents milieux physiques ou biologiques.
Les engrais chimiques sont inventés au 19e siècle pour combler le manque d’engrais organiques utiles à la fertilisation des sols. De plus en plus employés à partir des années 1950, ils participent à l’accroissement des récoltes. De la même façon, les pesticides (herbicides, insecticides, fongicides) facilitent le travail des cultivateurs dans l’élimination des adventices et des insectes indésirables et protègent les plantes contre des maladies. Toutes ces transformations permettent d’améliorer les performances des sols, des plantes et des animaux et d’augmenter les rendements par unité de travailleur et à l'hectare. Cependant, l’agriculture intensive amplifie les inégalités économiques et sociales en permettant aux exploitations et aux régions plus avantagées de progresser, tandis que les productions moins bien situées, moins capitalisées et moins productives, demeurent dans l’incapacité d’investir et de se développer en l’absence de subventions et se voient alors contraintes de fermer. De plus, l’emploi à grande échelle et dans des proportions excessives d’engrais, de produits phyto- et zoo-sanitaires ainsi que de machines lourdes, posent à terme des problèmes environnementaux : désertification, pollution des eaux, réduction de la biodiversité, compaction des sols, destruction d'habitats de certaines espèces. D’un point de vue sanitaire, l’exposition à long terme à certains pesticides, de synthèse ou non, peut augmenter le risque de développer des cancers, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction.
L’identification de tels impacts, notamment sur le plan écologique, couplé au besoin toujours soutenu de produire suffisamment, conduit à la recherche de solutions. Celles-ci garantiraient une productivité élevée tout en rationnalisant au mieux l’utilisation des engrais et produits phytosanitaires existants, ainsi qu’en recherchant des produits phytosanitaires plus efficaces à moindre concentration. Des solutions qui recourent à l’ingénierie génétique déjà développées et proposées sur le marché soulèvent de vives oppositions du grand public qui estime que les risques relatifs à l’usage des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans la production alimentaire ont encore été peu étudiés.
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