Histoire de l’élevage en prairie
L’élevage du bétail débute quand le chasseur-cueilleur néolithique se sédentarise et domestique les animaux. Les bovins servent aux travaux agricoles et fournissent viande et lait, ainsi que la corne, le cuir et le fumier. La domestication et l’élevage donnent naissance à de nouvelles races plus performantes. Dès l’industrialisation, des outils plus efficaces (machines de traite et d’abattage) sont mis au point pour subvenir à la demande d’une population croissante.
De la symbiose à la sélection artificielle
Sur l’échelle de l’évolution humaine, la domestication d’animaux est un phénomène récent. Datant d’il y a seulement 10 000 ans environ, elle aurait précédé celle des plantes. Le réchauffement climatique à la fin de l’ère glaciaire rend possible la sédentarisation des humains et le début de l’agriculture. L’élevage résulte d’une symbiose entre l’être humain et l’animal, chacun reconnaissant les avantages de la cohabitation. Le mouton aurait été le premier animal domestiqué pour la production alimentaire puis, dès l’Antiquité, son élevage prospère. Cependant, en Europe centrale, entre le 1er et le 5e siècle CE, l’élevage ovin se retrouve en troisième place, après celui des cochons. Les bovins arrivent en tête et représentent plus de 50% de la population animale élevée (Hartung, 2013).
Des découvertes techniques jalonnent l’histoire de l’élevage au fil des siècles, améliorant l’alimentation, la sécurité, la reproduction et le logement du bétail. Les sources de l’Antiquité montrent que pendant l’hiver le bétail était gardé dans des étables équipées d’un système d’évacuation des déjections (Hartung, 2013, Benecke, 1994). Le reste de l’année, les animaux sont laissés dehors, à l’air libre.
Durant le Moyen Âge européen, le système féodal est propice au développement des surfaces agricoles et les cultures sont optimisées grâce à l’élevage. Le fumier d’étable devient de plus en plus disponible et l’assolement triennal (culture d’hiver, culture de printemps, une année de jachère laissée en vaine pâture) en Europe du Nord vient remplacer l’assolement biennal des cultures (culture de printemps, jachère). Une forme de polyculture intégrant l’élevage et la production végétale voit le jour. La consommation de la viande se popularise, surtout la viande de porc dont l’élevage représente près de 50% d’animaux de ferme durant le Haut Moyen Âge (11e-13e siècles). La viande ne manque pas. L’étroitesse du marché sans moyens de transport et de conservation efficaces génère un statu quo de la production.
Le changement survient dès les 17e-18e siècles. La jachère est peu à peu abandonnée au profit des cultures en rotation. Au siècle des Lumières, les scientifiques œuvrent à améliorer et augmenter la production tant agricole que fermière, face aux besoins de la population croissante. Ces recherches démontrent déjà la nocivité des gaz émis par les ruminants et servent à améliorer les conditions de vie des animaux – les étables gagnent en hauteur et en systèmes d’aération, le purin est récolté et stocké en attendant de servir de fertilisant. En Grande-Bretagne, on débat des systèmes d’élevage et de leur utilité. La révolution agricole britannique au 18e siècle donne lieu à la systématisation de la sélection artificielle des espèces pour augmenter la production et la rentabilité grâce aux recherches de Robert Bakewell (1725-1795).
Les marchés urbains profitent à l’essor de l’élevage bovin au 18e siècle. À la fois force de traction et source alimentaire (viande et produits laitiers), le bœuf est aussi au service de l’industrie (suif, cuir et peaux). Le paysage rural se transforme et se segmente. Les régions se spécialisent dans l’élevage, comme la Basse-Normandie et le Limousin en France par exemple, et convertissent les espaces labourables en prés d’embouche (engraissement). L’épizootie de la peste bovine (maladie enfin éradiquée en 2010) ravage l’Europe donnant lieu au développement de la science vétérinaire. Puis, l’industrialisation exponentielle dès le 19e siècle ouvre la voie à l’intensification. Aux États-Unis, des feed-lots (unités d’engraissement intensif) voient le jour dès les années 1920. Bien que le nombre de fermes diminue en Europe, la production globale augmente pour atteindre 11.8 milliards de ruminants et 1.5 milliards de cochons en 2010 (Hartung, 2013). Dès la seconde moitié du 20e siècle, les conditions de l’élevage (l’automatisation des tâches, le nombre élevé d’animaux contenus dans un espace restreint et la spécialisation poussée des races choisies en fonction du produit final) sont sujet de débat au sein de l’opinion publique concernant le bien-être des animaux, la traçabilité des produits alimentaires et la pollution environnementale.
Benecke, N. 1994. Der Mensch und seine Haustiere. Stuttgart : Konrad Theiss Verlag GmbH und Co., 1994.
Hartung, Jörg. 2013. A Short History of Livestock Production. [auteur du livre] A. Aland et T. Banhazi. Livestock Housing: Modern Management to Ensure Optimal Health and Welfare of Farm Animals. s.l. : Wageningen Academic Publishers, 2013.
Jean, Guillaume. 2013. Ils ont domestiqué plantes et animaux: prélude à la civilisation. s.l. : Éditions Quae, 2013.
Jussiau, Roland, Montméas, Louis et Parot, Jean-Claude. 1999. L'élevage en France: 10 000 ans d'histoire. s.l. : Educagri Éditions, 1999.
Leturcq, Samuel. 2004. La vie rurale en France au Moyen Âge. Paris : Éditions Colin, 2004.
Moriceau, Jean-Marc. 2010. Chroniques paysannes: du Moyen Âge au 20e siècle. s.l. : France Agricole Éditions, 2010.
Paillat, Monique (dir.). 1997. Le mangeur et l'animal. Mutations de l'élevage et de la consommation. Paris : Éditions Autrement, 1997.